Tengen surprit le Shosei. En effet, ce dernier ne s’attendait pas à ce que son collègue réagisse aussi bien à son ton un petit peu directif. Cette agréable surprise fut grandement appréciée, elle empêchait un énième malentendu voire un conflit d’éclater. Cette ambiance studieuse et prompte à l’effort motiva l’homme tatoué et après une ultime révérence, pleine de sympathie et de franchise, il quitta la compagnie de son partenaire de mission. Pressant le pas, son enthousiasme et sa volonté décuplés par l’attitude de l’autre Élu, il se dirigeait vers son lieu de travail, les archives du clan Kodoma.
Édifice creusé à même le tronc d’un arbre centenaire et s’enfonçant dans les entrailles de la terre, son emplacement, tout comme son existence n’était connue que de peu de monde. En effet, seules certaines familles et les hautes instances du clan possédaient ses connaissances. Pour les initiés, il était facile de retrouver ses lieux invisibles aux yeux des autres. La sécurité étant capitale pour protéger ses documents, ses biens et ses secrets aussi vieux que la cité d’ Ayatsuyu elle-même, de nombreuses barrières, portes et sceaux étaient disposés sur le chemin menant à la bibliothèque pour freiner toute intrusion. En tant que gardien en chef de ces lieux, Ren arriva sans peine à atteindre le cœur des archives. Sur son passage, les autres gardiens qui rangeaient, scellaient et surveillaient les précieux documents, s’arrêtèrent tous pour le saluer poliment et avec beaucoup de déférences. Un tel traitement n’était pas seulement dû au prestige de sa famille, ses connaissances et ses hauts faits face aux pilleurs de secrets étaient reconnus et appréciés. L’érudit trouvait en ces lieux, les marques de respect et de distinction qu’il appréciait, venir ici était un vrai cadeau pour son ego.
Rapidement, il trouva ce pourquoi il était venu, le registre des entrées et sorties. Sur ce livre, à la reliure dorée et aux feuilles sentant le parfum d’antan, se situaient toutes les informations qu’il cherchait, du moins, il l’espérait. Pages après pages, survolant les nombreux écrits comptables, il ne trouva rien. Enfin, pas tout à fait, à de nombreux endroits, un symbole inconnu était calligraphié, trois triangles entremêlés. A ces dates, son paternel était encore le maître des archives. S’il voulait en savoir plus et trouver ce qu’il désirait, il allait devoir retourner dans son ancien foyer
. Cela ne l’enchantait guère, non pas qu’il avait un mauvais rapport avec ses proches, mais plutôt qu’il ne voyait pas l’utilité de maintenir un lien. C’était davantage une perte de temps et d’énergie qu’un réel bienfait. Il pouvait se passer d’eux pour vivre. Du moins, c’est ce qu’il pensait. Car au vu des faits, il semblerait que son père ait pris la liberté de lui cacher quelques informations concernant le fonctionnement des archives lors de la passation de pouvoir.
Quelque peu échauffé par cette hypothèse, il quitta promptement son doux refuge pour rejoindre la demeure familiale. Il n’eut pas beaucoup de marche à faire, en effet, celle-ci se trouvait à proximité de l’arbre gardien. C’était une manière pour la lignée des Akemi de garder un œil sur les archives. Elles ne devaient jamais quitter leurs esprits. Avec vigueur, il ouvrit la porte et la referma derrière lui. Il se prépara mentalement au combat qu’il allait devoir mener, soupira du plus profond de son âme et entama le dialogue.
- Mère, Père, j’ai besoin de vos connaissances. Je suis en mission pour les dirigeants de notre noble clan et pour cela, je reçois l’aide d’un Gakusha. Pour faire simple, j’ai besoin de savoir si d’autres archives semblables aux nôtres, existent dans les autres clans fondateurs. J’ai remarqué un signe particulier dans le registre, vous pourriez peut-être éclairer mes lanternes.
- Reeeeeeen ! Mon fils adoré ! Regarde-toi comment tu as grandi ! Mais dis donc, tu es tout maigrelet ? Tu manges à ta faim, j’espère ? Et ce teint blafard ? Toi, tu révises de trop ! Sors un peu, profite du soleil ! Et d’ailleurs, en parlant de sortir, tu as trouvé une jeune femme ? C’est que l’on ne se fait pas tout jeune et nous aimerions beaucoup avoir des petits enfants…
- Chérie, laisse le tranquille. Ce n’est pas à ton fils que tu fais face, mais à un mercenaire à la solde du clan. Il n’a pas de temps à perdre avec tes élans maternels. Il est là pour des réponses, je me trompe ? Bien, je crois qu’il est temps que tu en apprennes davantage sur ton métier. Il existe bien, des établissements semblables à nos archives. Bien entendu, ils n’ont pas la rigueur ni la discipline pour conserver efficacement les documents devant demeurés secrets. C’est pourquoi, ne t’attends pas à un miracle, cela m’étonnerait guère que tu trouves tout ce que tu veux en ces lieux. De plus, le symbole que tu as trouvé est la marque d’une vieille entente entre les trois clans, pour le bien de tous, les secrets devaient rester cachés et l’existence de ces trois archives ne devaient être connu que par les dirigeants et les gardiens en chef des archives. Tu imagines bien que l’échange et la communication de tels secrets entre les clans devaient eux aussi être couvert d’un voile opaque empêchant tout premier venu de révéler la vérité.
- Et donc je n’étais pas digne de connaître toutes ces implications, c’est ça ?
- Non, tu te fourvoies, c’est juste que ce travail est toute ma vie, je voulais garder une tâche bien à moi, un rôle dans cette institution, je n’étais pas prêt à tout abandonner...
- C’est pourquoi vous m’avez humilié devant les autres familles, vous avez entravé mes savoirs et vous avez fait perdre du temps crucial au clan. J’espère Père, que votre égoïsme en valait la peine.
- Ne le prends pas comme ça, je n’ai pas voulu te causer du tort Ren… Je t’en supplie comprends moi.
- Peu importe vos états d’âme. Montrez-moi où se situent ses autres archives et comment les pénétrer. J’aurai bientôt un laissez-passer signé des hauts dirigeants. Je vais prendre votre chevalière, cette preuve de mon appartenance à notre illustre lignée devrait suffire pour m’ouvrir les portes de ces proto-archives.
Tout ce qui suivit se passa dans un silence glacial, la mère ignorée par son fils était proscrite dans un coin, abasourdit par tant de froideur. Le père, lui, essayait tant bien que mal de racheter ses fautes en donnant une carte ancestrale où se trouvait les autres archives et des consignes pour atteindre leur cœur facilement. Une fois tous ces biens échangés, Ren se dirigea vers la porte, se retourna avec un sourire chaleureux à destination de sa mère.
- Mère, je vous aime. Quand les temps seront plus cléments, je viendrais vous voir et nous échangerons autour d’un thé, c’est promis.
Une fois ce message passé, il retourna chez lui étudier la carte extrêmement fragile, en fit une copie qui sera plus facile à transporter et se prépara pour la mission qui l’attendait le lendemain. La nuit fut courte, que ce soit pas excitation ou énervement, le résultat était le même. Devant le monolithe, son visage portait les stigmates de la nuit tourmentée qu’il venait de traverser. Mais peu importe son état physique, la flamme de sa détermination n’était pas éteinte, il était prêt à poursuivre sa tâche.