Une plante contenant de l’oxygène ? Fouillant sa mémoire et ses quelques connaissances en herboristerie, aucune espèce de plante n’avait, à sa connaissance, de telles capacités. Toujours méfiant envers l’inconnu, il se joua de l’obscurité et de la naïveté apparente de ses camarades de voyage, pour éviter de goûter à cette « chose ». Autant éviter de s’intoxiquer, un végétal peut très bien être non nocif pour des habitants d’un tel domaine et être toxique pour des « surfaciens », prudence est mère de sûreté. Il rangea ce présent dans l’une de ses poches. Ensuite, suivant le groupe, il débuta la découverte de ses eaux sombres.
La nuit aqueuse, quelle sensation étrange… Durant sa jeunesse, il avait déjà eu la chance d’expérimenter une activité semblable. Néanmoins, c’était toujours en plein jour et dans un ruisseau à faible débit. Rien de très compliqué et rien qui ne demandait une longue apnée. C’était donc une nouveauté pour l’archiviste, cependant la question n’était pas de savoir si elle était agréable ou pas, mais plutôt si elle allait lui être fatale ou pas. Suivant, dans la pénombre, le guide, la corde pour seul indice de la direction à prendre, Ren avait du mal à trouver le bon rythme. Ses mouvements n’étaient pas fluides, pas à l’aise, il perdait trop d’énergie et usait beaucoup trop vite son oxygène. C’est là que la clarté illumina son corps et son esprit. Le noir chassé, l’érudit pouvait mieux percevoir ses actions, il était plus serein, plus efficace. Sa nage devenue plus gracieuse, lui enleva un poids, il était à présent certain que la poursuite de cette exploration sous-marine allait se dérouler sous de bons augures.
Sous la bienveillance de l’azur lumière, ils ne mirent pas trop longtemps à rejoindre une poche d’oxygène en surface. Là, profitant de ce répit pour reprendre son souffle et pour trouver un moyen de maximiser ses compétences d’apnée, le savant écouta avec attention l’homme sensé les mener à l’autre extrémité de ce dédale aquatique. La discussion fut peu instructive, ils avaient au moins une estimation du trajet à faire et quelques informations sur une probable menace qui rôderait dans les parages. Soit, ce n’était pas très précis et pas très rassurant, mais il était trop tard pour regretter. Comme un accord, ils replongèrent tous dans les abysses pour tenter d’avancer sans encombre.
Là, sur le trajet, très proche de leur position initiale, des restes d’une attaque coloraient l’élément incolore et teintaient les lueurs saphir du plancher marin en un rouge vermillon. Pour se rassurer, en essayant de rester logique, Ren se persuada qu’il ne s’agissait que d’une attaque entre animaux et qu’il n’y avait toujours rien à craindre. Le cœur en plein déni, il suivait le groupe, l’aidait à progresser. Il ne fallait pas céder à la panique et à la précipitation, cela réduirait de façon probable leur chance de survie. Voyant ses poumons arriver à leur limite, le manieur d’encre poussa le premier de cordée et fit accélérer tout l’ensemble, sa faiblesse ne devait pas mettre un terme à cette mission. Là, ils arrivèrent à un autre refuge, ils n’avaient donc pas menti, de nombreuses zones respirables parsemées cet endroit.
Suivant et mémorisant les indications de celui qui le précédait, Ren réfléchissait. Au dire des natifs de ces souterrains, les créatures seraient sensibles à la lumière, peut-être que la flore de cet endroit pouvait les aider ? Dans le pire des cas, cela fera toujours un sujet d’étude en plus, ne jamais perdre l’occasion de pouvoir apprendre de nouvelles choses. Profitant de l’inertie de cette troisième plongée, l’homme tatoué se pressa de racler le sol et d’y arracher des spécimens bioluminescents, les mettant dans ses poches en attendant le moment propice. La corde avait suffisamment de moue pour ne pas entraîner les autres dans cette tâche atypique. Si sa curiosité et son intelligence devaient lui porter défaut, soit, il l’accepterait, mais jamais au grand jamais, cela devait se retourner contre ses comparses.
Par la suite, le Kodama ne fit plus de détours et suivit scrupuleusement les consignes données précédemment. En effet, de sa main gauche, il effleurait la paroi granuleuse pour s’aider à se diriger. Cette subtile caresse apaisait l’âme de l’élu, il n’appréciait guère cette aventure. C’est alors que le moment tant redouté eut lieu. Ils avaient été avertis, pour continuer, ils allaient franchir un couloir d’eau et de vide, plus aucun support sur lequel se reposer. La rapidité et la coordination étaient les clefs du succès de cet acte intrépide. Suivant l’action amorcée, à un rythme soutenu, Ren se jeta dans le vide en quête du premier mur venu. Il se cramponnait à ses senbons comme s’ils lui garantissaient la sécurité et le succès. Une fois arrivé, il fit le compte à travers l’eau trouble, les ouvriers et Katataka semblaient suivre. Pour le moment, tout se passait plutôt tranquillement. Néanmoins, le mercenaire torse-nu se montrait méfiant, il ne voulait pas baisser la garde. Avançant jusqu’au guide, il lui fit signe que tout était bon, qu’ils pouvaient continuer sans déplorer la moindre perte.
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