Cela faisait maintenant quelque temps que le jeune homme avait récupéré bons nombres de ses facultés motrices. Il avait troqué la béquille par son marteau habituel, qu'il pouvait de nouveau frapper avec précision sur le fer chaud posé sur l'enclume. Malgré encore quelques douleurs aux articulations et quelques spasmes au niveau des muscles, le corps se rétablissait bien, et vite. D'ici quelques jours, seulement, il pourrait être de nouveau, en pleine possession de ses moyens. Quelques bandages arpentaient encore son corps, lui rappelant toujours les horreurs de ce festival qui avait tourné à la catastrophe.

De leur côté, les bonnes gens du Quartier des Arts semblaient avoir déjà oublié cette tragédie, retournant à leur préoccupation politique et leur parade devant les membres de la lignée principale. Cela dérangeait quelque peu Dodo, lui qui avait risqué sa vie pour défendre les siens, se retrouvant au bord du précipice, voyait tous ses gens n'ayant pas bougé le petit doigt voguant à leurs occupations comme si de rien était, comme si les pertes et les blessures n'étaient que superficielle pour le village. Mais de son côté, Dodo se félicitait d'une chose, avoir protégé cette yokai au masque de Tanuki. Elle possédait les réponses. Et si pour l'instant la famille s'occupait correctement d'elle, surtout grâce aux deux femmes de la maison, Dodo n'en pensait pas moins qu'il obtiendrait ce qu'il voulait, de gré ou de force.

Là n'était pas la question du jour. Les semaines s'étant écoulées sans que le jeune homme ne puisse entrer dans sa petite forge lui servant d'échoppe, les commandes avaient pris du retard, et certains clients avaient tourné les talons pour chercher un autre artisan du fer. Il fallait remédier à ça, avancer sur les commandes et ne laisser passer aucun client. Le borgne était donc là, accompagné de son cache-oeil en tissu faisant le tour de sa tête, aux extrémités terminant sur ses épaules, tapant le fer de son marteau.

Le fer était battu par le marteau. De l'enclume résonnait un doux bruit pour les oreilles du jeune homme. La chaleur de la forge elle-même émanait de toute part dans l'échoppe. Des gouttes de sueurs perlaient sur le front du borgne, et parfois venait s'échouer au sol. Malgré encore quelques douleurs musculaires, le jeune homme tapait du mieux qu'il pouvait sur le fer avant de le refroidir dans l'eau, essayant tant bien que mal de rattraper le retard sur les commandes déjà validé avant le terrible événement survenu sur la place centrale du village. Un client, comme il n'en avait plus eu depuis que son retard avait pris trop d'ampleur, semblait frappé à la porte du jeune homme.

-" Je vous en pris, entrez!"

Cria le Watanabe, essayant de se faire entendre sans pour autant lâcher le marteau qu'il fracassait corps et âme contre l'enclume et le fer rougeoyant. De là, un homme à la chevelure rougeâtre vint passer le pas de sa porte, d'un léger coup de son œil unique, le forgeron pu apercevoir un visage déjà quelque peu connu. Stoppant net son activité à la vue de l'invité, il détailla de haut en bas. Il était clair, malgré le masque qu'il portait à la kermesse, le borgne avait déjà vu cette chevelure ainsi que l'allure qui accompagnait le client.

Lui aussi. Lui aussi était là le jour où tout a basculé, le jour où beaucoup ont perdu la vie ou risquer la leur. Il avait fait front commun avec le Tsukuri l'espace d'un instant, essayant tant bien que mal de ralentir un des yokai présent à l'aide d'une arme éthérée. Comment oublier les personnes présentes ce jour-là, ses alliés de fortune. Et comment oublier également un pouvoir aussi impressionnant que celui de pouvoir faire prendre forme, à ce que tout le monde appel, le chakra.

-" Enchanté, Watanabe Dodo, forgeron du clan Tsukuri, qui puis-je pour vous?"

N'oubliant pas ses bonnes manières malgré la surprise de voir cette personne en ces lieux. Après tout, beaucoup avaient décidé de prendre les armes ou de renforcer les leurs après l'incident. Le Watanabe lui-même, durant sa convalescence avait pris commande chez un autre forgeron du clan, quémandant un bouclier pour parfaire son arsenal.

Les deux hommes arborant un cache-œil semblaient se regarder droit dans les yeux durant de longues secondes. Tout deux devaient penser à la même chose, sans pour autant en faire part à l'autre. Mais le Watanabe en était presque sûr, cette chevelure ne passait pas inaperçu dans le village, l'homme qui lui faisait face était aussi un des élus ayant participé à la défense du village. Pas en haut de l'arbre cristallin comme le borgne, mais dans un autre endroit, sûrement contre le yokai archer qui avait causé cette énorme blessure à son homologue forgeron, Riku.

Le jeune homme était donc membre du clan Kodama. Dodo se doutait bien qu'il ne faisait pas parti des Tsukuri, aillant côtoyer bon nombres d'entre eux ses derniers temps. Que venait donc faire l'érudit dans ce quartier et dans cette forge. Il répondit à cette question dans la suite de sa phrase, brossant dans le sens du poil le forgeron par la même occasion.

-" Oh, vous savez le clan Tsukuri abrite les meilleurs forgerons du village, je ne suis qu'un parmi tant d'autre."

Lui répondit-il d'un léger sourire, se voulant modeste. Le Watanabe n'était pas du genre à se vanter, surtout sur son travail qu'il considérait également comme une passion. Tengen fouilla alors dans une petite sacoche et en sorti un kunaï, qu'il tendit par la suite au forgeron, lui demandant de le modifier. Un petit rire fut camouflé par Dodo, drôle de demande, sans vraiment d'autres précisions. Attrapant alors le kunaï, il le regarda un petit moment avant de répondre.

-" J'aimerais pouvoir répondre, mais il va me falloir plus de détail? Que faut-il que je modifie, sa taille? Son poids? Ou peut-être rajouté une deuxième tête à l'arme? Lui donner une nouvelle couleur? Beaucoup de choses sont possibles avec les armes, il me faudrait donc un peu plus de précision sur ce que tu veux pour ton kunaï?"

Les deux élus s’étaient momentanément perdus dans l’atmosphère que dégageaient ces deux-là, il n’y avait point besoin d’être un senseur pour pouvoir ressentir cette puissance indéniable qui se mélangeait dans l’habitacle du forgeron, mais soudainement ce fut le forgeron qui brisa ce pénible silence, en revendant de manière fair-play les autres forgerons du clan Tsukuri, mais peu d’entre eux voire aucun pour le moment n’était affin du chakra, mis à part le Watanabe.

L’érudit savait pertinemment pourquoi il était allé à la rencontre d’un Watanabe, seul lui le savait et seul un forgeron de cette famille serait en effet capable de réaliser ce qu’attendait de lui Tengen. Sortant un kunai de sa sacoche, l’Ameyuri le tendait face à Dodo lui quémandant une modification de l’arme. Bien évidemment et comme tout professionnel de la forge, cette demande était bien trop vague et Dodo s’empressa de lui rappeler tout une variante plausible de modifications. Sans réfléchir plus longtemps, l’érudit opta pour un Kunai à trois têtes.  

« Tu as raison haha. Vois-tu, j’aimerai un kunai à trois têtes. J’aimerai que tu me les sortes sur les extrémités, est-ce réalisable ? »

Bien sûr que ca l'était, il fallait juste que le Watanabe soit confiant de ses capacités, car intervenir sur une modification d'un si petit métal n'était à la portée de tous.

L'homme à la chevelure de feu quémandait ainsi un kunaï à trois têtes. Dodo avait l'habitude de forger des armes, c'était d'ailleurs sa principale occupation, pourtant, jamais une telle demande ne lui était parvenu. Ce n'était, pourtant, pas pour lui déplaire, toujours à la recherche de nouveauté et de demande particulière. Car même si d'apparence le travail du fer semblait être plus un travail des muscles que de la tête, ce n'était pas vraiment le cas. Savoir où taper, la température de la forge, le matériel utilisé, les matériaux utilisés, autant de choses auxquels il fallait penser au préalable avant de se lancer à frapper de son marteau. De plus, un kunaï est bien loin d'être de la taille d'une épée, le travail devient donc plus minutieux que brute.

Inspectant alors l'arme sous tous ces angles, le jeune homme releva la tête en direction du Kodama, sourire aux lèvres.

-" Et bien faisons comme ça alors. Je vais avoir besoin d'un peu de temps pour réaliser ta demande. Que dirais-tu de revenir d'ici deux jours?"

Tengen semblait accepter, et sans trop de cérémonies, l'homme repassa la porte qu'il avait franchi quelques minutes auparavant, laissant son arme entre les mains du forgeron, qui avait déjà tout pleins d'idées quant à la réalisation de sa demande. Mais pour aujourd'hui, il devait terminer une cargaison de carreaux de flèches.


Deux jours s'étaient donc écoulés depuis l'arrivée surprise du Kodama dans cette forge. Comme promis, Dodo avait réalisé sa demande, le kunaï arborant fièrement ses deux nouvelles têtes. Bien que le jeune homme est eu quelques encombres, notamment sur la place pour y mettre deux nouvelles excroissances, cela ne lui avait pas pris un temps démesuré. Il avait même pris énormément de plaisir à forger cette curieuse arme.

Pourtant, aujourd'hui, quelque chose traversait son esprit depuis l'apparition de Tengen de l'Ameyuri dans sa forge. Comme les deux semblaient s'en être rendu compte, ils avaient participé tout deux à la chaotique kermesse qui avait laisser derrière elle son lot de morts et de blessés. Pourtant, aucun n'avait mis le sujet sur le tapis, ayant pourtant combattu du même côté lors de ce désastre. Dodo voulait savoir, au moins comment s'en était sorti Tengen, et surtout quel type d'adversaire avait-il bien pu affronter.

Il attendait alors le retour de l'homme écarlate, son kunaï posé sur le rebord du comptoir, enroulé dans un morceau de tissu pour le protéger de la poussière et des débris métalliques propulsé depuis l'enclume que le jeune homme frappait encore avec ardeur.

Les jours passaient, défilant à vive allure accompagnés du doux bruit du marteau frappant l'enclume. Le jeune homme semblait avoir récupéré l'ensemble de ses facultés motrices. Plus de spasmes, plus de bandages, de retour aux affaires comme avant la tragédie du Jizen'ichi. Mais également, plusieurs jours s'étaient donc écoulés, sans que l'Ameyuri ne vienne récupérer le kunaï à trois têtes qu'avait forger le borgne depuis quelque temps maintenant. Le forgeron s'inquiétait un petit peu, pour plusieurs raisons. Lui était-il arrivé quelque chose? Ou l'avait-il oublié? Dans le deuxième cas, le Watanabe éprouverait de la colère, à n'en pas douter, ayant perdu son temps à fabriquer une arme que l'homme à la chevelure de feu ne viendrait peut-être jamais chercher.

Mais le bénéfice du doute lui était accordé. Après tout, il s'agissait d'un élu, comme le Watanabe. Il était conscient que les affins aux chakras étaient réquisitionnés pour toutes sortes de missions, qui pouvaient parfois s'éterniser sur plusieurs jours. L'arme en question, elle, avait disparue du comptoir du jeune homme, qui l'avait disposée sur une de ses étagères, toujours entourée d'un tissu la protégeant de toutes les impuretés et autres saletés.

Alors que le jeune homme s'attelait à forger un petit lot d'épée pour des membres de son clan, une entrée impromptue vint le couper dans son élan. Ayant simplement frappé une fois avant de rentrer dans le bâtiment sans même en attendre l'autorisation, un homme se posta devant Dodo, un léger sourire aux lèvres.

-" Hmm.. Oui entrer, je vous en prie."

Lui adressa le borgne sur un léger ton ironique, pas vraiment content de se faire interrompre sans crier garde en plein travail. Le scrutant de son œil inquisiteur, Dodo ne semblait pas reconnaître la personne en face de lui. Une coupe au carré plutôt courte, une légère décoloration, rien qui ne lui rappelait qui que ce soit, même si le visage lui semblait quelque peu familier. Pourtant, au son de la voix et lorsque l'homme exprima sa demande, l’œil du borgne s'écarquilla au maximum, les bras ballants le long de son corps.

-" Je.."

Véritablement surpris, le Watanabe réalisait que l'inconnu qui était entré dans sa forge, ne l'était pas. Il s'agissait de Tengen, du clan Kodama, pour qui le jeune homme avait fabriqué un kunaï d'une forme particulière. Se grattant l'arrière du crâne en vue de la surprise, le borgne se mit à sourire.

-" Et bien, on peut dire que ton retard s'explique maintenant ahah."

Accompagnant sa phrase d'un petit rire. Se déplaçant de derrière sa forge, le forgeron se rendit en direction d'une de ses étagères, récupérant ainsi l'arme du Kodama.

-" Désolé de ne pas t'avoir reconnu au premier coup d'œil."

S'excusa dans un premier temps le borgne avant de retirer le tissu recouvrant l'arme pour l'exposer aux yeux du commanditaire.

-" Oui, j'ai finalement réussi à modifier ton arme. Comme convenu ton kunaï possède maintenant trois têtes, j'ai également recouvert le manche en métal d'une sangle en cuir pour faciliter la prise en main. J'espère que cela te convient?"

S'exprima Dodo tout en tendant l'arme en question en direction de Tengen, pour qu'il puisse juger de plus près les travaux du forgeron.

Le Watanabe poussa un léger souffle de soulagement. C'était la première fois qu'il modifiait une arme ainsi, et satisfaire le client était toujours la base de sa passion. Lorsque Tengen, avec sa nouvelle coupe de cheveux, inspecta l'arme et semblait être ravi du résultat, le forgeron ne put retenir ce petit souffle. Il remballa alors l'arme dans le tissu, la tendant directement au Kodama pour qu'il puisse la ranger où bon lui semble.

Retournant derrière sa forge pour regarder les différentes dépenses qu'il avait investies dans l'arme, le borgne se souvenu d'une chose. Quelques jours auparavant, lorsque l'Ameyuri était rentré la première fois dans la forge, Dodo avait cru reconnaître un des élus ayant participé à la défense des villageois lors de la kermesse. Il avait également voulu lui poser la question lorsqu'il devait venir chercher son arme, enfin du moins, le jour prévu de base. Cette idée lui était presque sortie de la tête avec le travail qu'il avait fourni sur différentes commandes, et avec les aléas de la vie de tous les jours.

Il ne savait pas vraiment si c'était bien lui, mais ne pensait pas se tromper quant à sa présence sur les lieux. Réfléchissant un instant et regardant une nouvelle fois Tengen, il posa les petites feuilles qui lui servaient à noter ses dépenses.

-" Et bien, ce sera gratuit pour cette fois ahah. Prend ça comme un cadeau pour avoir protégé le village!"

Accompagnant sa phrase d'un sourire amical. Peut-être se trompait-il, peut-être l'avait-il confondu avec quelqu'un d'autre, mais son instinct et ses souvenirs de ce jour lui paraissait clair.

Kunaï modifié:

Vraisemblablement, le forgeron avait répondu aux attentes de l'Ameyuri. Après avoir dit que le travail lui convenait, il rangeait l'arme dans un étui spécialement conçu pour. Les dimensions de l'étui correspondaient à l'arme qu'avait quémandée le Kodama, signe que le Watanabe avait respecté les attentes de son homologue. Il testa également l'arme par la même occasion. Un test qui soutenait les idées du jeune homme quant à son interlocuteur. Le borgne pensait avoir déjà vu Tengen lors du massacre de la kermesse - du moins avant qu'il ne change de coupe de cheveux - le chakra qui traversait maintenant son arme confortait le borgne dans son idée. L'homme qui lui faisait face était bel et bien un élu, comme Dodo. Du chakra parcourais maintenant l'arme flambant neuve, qui résistait sous la force de cette énergie si singulière.

Finalement, les doutes du borgne s'envolèrent définitivement, l'homme à la coupe au carré acquiesçant la remarque du borgne quant à sa présence lors du Jizen'ichi. Dodo avait donc vu juste. Après tout, il était difficile pour lui d'oublier ce jour dramatique, où de nombreuses personnes ont perdu la vie et de laquelle il est ressorti avec de nombreuses et graves blessures.

Comme l'avait demandé le forgeron, Tengen ne sortit pas une seule pièce de sa besace, se contentant de proposer ses services en échange de celui que venait de lui rendre le jeune homme. Un donné pour un rendu. Cela convenait au borgne, après tout, connaître quelqu'un de clan de scientifique que sont les Kodama étaient une bonne chose en ces temps troubles. En plus d'être un élu, l'Ameyuri semblait être une personne sympathique, du moins, c'est ce qui transparaissait de son sourire qui avait rarement quitté l'homme durant leurs courtes entrevues.

-" J'y penserais alors, merci."

Lui répondit Dodo, s'habillant également d'un sourire amical, avant que le Kodama ne disparaisse par la porte de la forge du jeune homme. Le Watanabe resta un petit moment à réfléchir à tout ça, et notamment à l'arme qu'il venait de créer pour Tengen. Peut-être pourrait-il s'en inspirer pour forger des armes similaires ou de meilleures qualités.