Loyal. La principale composante de ce qu'est Gaijin. Aussi la plus apparente, la moins diluée, qui apparaît comme une vérité évidente, figée dans son être. Loyal à ceux dont il a prêté allégeance - sur ce plan temporel, le clan Tsukuri - mais aussi loyal envers ceux qui daigne partager son existence. Qu'ils soient amis, mentors, partenaires de fortune, ou amante. Même s'il n'est pas d'accord, ou qu'il ne comprend pas les motivations de ses supérieurs, il exécutera tout de même leurs volontés, par pure loyauté. Un véritable instrument de mort, offert à quiconque aura la dextérité nécessaire pour lire la partition de sa funèbre mélodie.



Instable. Gaijin est habité par de puissantes pulsions meurtrières et carnassières, comme une bête extrinsèque à sa personne qui cohabite pourtant dans le même hôte. Personne ne sait réellement - lui-même ne cesse d'en chercher les réponses - ce qui est à l'origine de cette bipolarité qui fait naître à la fois crainte et convoitise. Il peut à tout moment, et à cause de stimuli diverses, perdre le contrôle de son calme légendaire pour devenir une toute autre personne : un individu violent, arrogant et belliqueux qui ne répond qu'à l'appel du fer et qui se délecte du sang de ses victimes. Pour Mai, cette fracture de son âme est amenée par le don qui lui a été fait ; bien qu'elle ne puisse pas encore le prouver. Elle est d'ailleurs jusque là, la seule et unique personne connue à avoir pu apaiser la bête grâce à son art lorsque celle-ci avait déjà brisé ses chaînes.



Martial. Gaijin possède un charme, une prestance tutélaire propre aux militaires qu'il est impossible d'ignorer. Il est conscient de tous les codes qui sont à appliquer dans une société martiale, et les applique naturellement ; comme si toute sa vie avait toujours été régie par des instances militaires. Même lorsqu'il fut trouvé par une escouade Tsukurijin, esseulé et mort de faim, ne sachant même pas parler notre langage, il savait courber l'échine devant un régent, mais aussi prendre parfaitement soin d'une arme ou encore la manier avec aisance. Chacun de ses gestes, de ses actes semblent être régis par un code de conduite très stricte qui lui aurait été inculqué si tôt, et de façon si prononcée, qu'il serait désormais gravé sur chaque hélices de son génome.



Humain. Tantôt soldat conditionné, tantôt animal sanguinaire ; Gaijin n'en reste pas moins un véritable être humain. Et si vie est - et semble toujours avoir été - régie par le combat et le sang, il n'en reste pas moins doté d'une sensibilité exacerbée. Ami des bêtes, il s'émerveille devant la beauté du monde et l'art apaise ses maux. Si il a accepté sa condition de soldat et qu'il est prêt à se salir les mains pour quiconque le dirige, il n'en est pas moins habité par une réelle bienveillance. En profonde dissonance entre ce qu'il est et ce qu'il souhaiterai être ; à la recherche de ce qu'il a été alors qu'il apprend à être, son existence même est une dichotomie entre devoir et ipséité, entre violence et esthétisme.. Une équation complexe dont il n'a toujours pas réussi à isoler la bête.



Que pense votre personnage des trois clans fondateurs d'Asatsuyu no Sato ?

N'ayant traversé les portes d'Asatsuyu no Sato il n'y a qu'à peine un an, Gaijin n'est pas encore conscient de ce que représentent les trois clans fondateurs au sein de la cité, ni même leur histoire, et encore moins la plèbe qui les compose. Comme il se méfierait de l'Homme, il se méfie des instances politiques dirigeant les trois clans et l'impact qu'il pourraient avoir sur la vie de ses habitants. Néanmoins, il apporte une vision toute particulière à Tsukuri, son foyer, ceux à qui il a récemment prêté allégeance. Il est donc à leur ordre. D'un autre côté, au travers de Mai, une jeune artiste de la cité, il apprend à découvrir toute l'histoire culturelle et artistique du clan qu'il affectionne particulièrement. Ce dernier point est aussi important dans son allégeance que la redevabilité que ressent Gaijin envers le clan Tsukuri pour l'avoir « sauvé. »

Comment votre personnage a-t-il grandi dans la cité ? Quelle place occupe-t-il ?

Gaijin n'a pas grandit dans la cité, n'en témoigne que le surnom qui lui a été donné, finalement devenu son identité même. Aujourd'hui, il y a un rôle d'arme. Une pièce de choix car doté d'un don. Aussi, son expérience de survie dans les bois sauvages en fait un individu que le clan se targue d'avoir sous son contrôle - bien qu'il se méfie particulièrement de l'insoumission de la bête et se tient prêt à l'euthanasier à la moindre morsure.

Comment votre personnage a-t-il vécu l'apparition de son pouvoir ?

Il ne s'en souvient plus. Dans ses souvenirs les plus récents, il possédait déjà son don. Néanmoins, sa découverte dans les bois coïncide étrangement avec l'apparition du chakra dans les environs..

Comment s'est passé le recrutement de votre personnage par son clan d'allégeance ?

Violemment.

Quels sentiments votre personnage éprouve-t-il pour l'art, la politique, et la culture Tsukuri ?

₪ Culture : Gaijin ne maîtrise pas encore tous les tenants et les aboutissants de la culture Tsukurijin. Cependant, ce qu'il y découvre semble lui plaire, de leur posture civile à leur rapport à la nature, en passant par leurs arts du combat. L'histoire du clan et l'impact qu'il a eu sur la cité le rend étrangement fier de son allégeance à ce clan en particulier, et il n'a de cesse de se documenter et se renseigner sur les détails de leurs faits passés. Particulièrement sur cette puissante bête qu'ils auraient réveillés. Comme si celle qui sommeillait en lui jalousait sa férocité et souhaiter se mesurer à elle..

₪ Art : Aussi loin qu'il s'en souvient - nous parlons donc d'une année révolue - la vie de Gaijin n'a été régie que par la violence et les combats. « Dévorer ou être dévoré » était un dogme qui lui apparaissait comme une évidence, comme la vérité. Jusqu'à ce qu'il y soit confronté : l'art Tsukurijin dans son essence la plus somptueuse. Cette dernière fit vibrer son âme, jusqu'à lui arracher des larmes. Pour la première fois, il quittait son prisme de survie pour goûter à la vie, lui faisant même apparaître de brumeuses réminiscences de son existence passée.

₪ Politique : Il n'en a que faire. S'y pencher serait se lorgner d'illusion sur la potentialité d'un changement dicté par sa subjectivité. Plutôt, il accepte sa place de pion sur l'échiquier et subit en âme et conscience chaque déplacement de la main des maîtres. Chaque Homme à sa place. La sienne, est sur le champ de bataille.

Quels sont les objectifs de votre personnage ? Donnez trois axes principaux de développement.

Gaijin n'est pas des Hommes ambitieux. Jusque là, un seul et unique objectif a pu se construire dans ses projections. Celui de survivre à la bête.

Racontez un évènement marquant de la vie de votre personnage.

Périphérie d'Atsuyu, aux frontières Nord-Est, près des épaisses forêts dont l'idée même d'en approcher les lisières terrorise un peuple entier depuis des générations. Mais parmi les couards, des braves. Des braves, qui, pour le bien des leurs et la pérennité de leurs activités, ne s'effarouchent pas à pénétrer dans ces mêmes bois que l'on dit maudits. Pour cause ? Une missive de l'un des civils du clan Tsukuri parlant d'une bête ravageant les environs, qui empêcherait certains cultivateurs d'exercer leur profession aux abords du bois. Il y aurait même eu deux morts. Ainsi, sous l'ordre - et la supervision - de l'un des Kouha du Clan, deux jeunes soldats partirent à la recherche de cette animale pour une mise à mort évidente.

Les deux hommes s'engouffrèrent dans la végétation, marchant pendant des heures, traquant leurs cibles sans relâche, à l'affût du moindre indice qui pourrait, premièrement, indiquer de quelle bête il s'agirait, et deuxièmement, de leur indiquer sa position. Ce n'est qu'après une longue randonnée, qu'ils tombèrent enfin sur une piste. Et quelle piste.. C'est pris d'effrois que les Tsukurujin s'arrêtèrent. Le cadet ravalant bruyamment un dégueulis en manquant de tomber, les jambes flageolantes. L'aîné, moins perturbé, n'en restait pas moins surpris devant cette scène morbide, fronçant le nez à cause de l'odeur pestilentielle qui s'en dégageait.


Une poignée de corps jonchait le sol, étalés sur une marre de sang déjà séchée par le temps. Si les deux hommes de Tsukuri n'étaient pas capable d'identifier le stade de décomposition des corps - tâche qu'un Kodama aurait pu aisément remplir - ils n'en étaient pas moins attentifs à ce qui pourrait leur indiquer la façon dont ils ont été tués. C'est l'aîné qui, une fois ses esprits revenus, se pencha sur l'un des corps les plus intacts pour l'analyser.

▬ Des bandits.. Aussi loin de la Ceinture Noire ? se demanda-t-il à haute vois, fronçant les sourcils par incompréhension.

Le cadet, fort de montrer sa valeur à son Senpai finit lui aussi par se remettre en état et suivit ses pas pour tenter d'alimenter son expertise.

▬ Sûrement des éclaireurs. Ils devaient avoir un camp près d'ici.. Une tentative de reconnaissance, ou alors ils étaient eux aussi à la recherche de cet animal ? Peut-être pas, finalement, ils n'étaient pas si bien armé, se contredisant lui même en balayant la totalité des corps du regard, ils auraient pu être.. Il s'arrêta face au regard hagard que posa son aîné sur l'un des corps après l'avoir retourné. Qu'est-ce qu'il y a ?

L'homme accroupit retourna lentement la tête pour croiser son regard, en lui exposant le flanc du corps qu'il venait de mettre sur le dos, comme pour lui montrer une évidence. Evidence qui avait été parfaitement perçue par son Kouhai. Une goutte de sueur perla sur son front. Son regard se troubla. Les blessures les plus apparentes semblaient être des déchirures, des morsures, qui collaient à la description qui avait été faite de l'agresseur : un énorme animal. Mais il venait de lui montrer une blessure toute autre. Nette, profonde, longiligne.. Il n'y avait qu'un sabre, tenu par un Homme, qui pouvait entailler la chair de cette façon. Les deux hommes se comprirent sans un mot. L'aîné se releva lentement et, dans le plus grand des silences, se hâta de poursuivre sa marche que le second emboîta sans un bruit et posa machinalement sa main tremblante sur son sabre. Tout venait de changer. Les règles, comme le jeu lui-même.


Les Tsukurijin avaient établi une zone de recherche autour des corps qu'ils avaient trouvés, de quelques kilomètres de diamètres et avançaient avec autant de détermination que de prudence. Aucun d'eux n'avait osé prendre la parole jusque là. Leurs incompréhensions, leurs craintes étaient palpables pour l'autre, mais aucun n'osait les partager ouvertement, ni même se questionner. Le soleil était couché depuis plusieurs heures maintenant, seuls quelques rayons lunaires trouvant une place pour se faufiler à travers la canopée éclairaient la zone, et une pluie diluvienne frappait les environs depuis ; augmentant drastiquement la méfiance des deux hommes.



Un bruissement. Un léger frottement d'écorce. Voilà ce qui suffit aux soldats pour sortir promptement les armes et se mettre en garde en direction de la source de ce bruit. Une silhouette, à peine perceptible au départ. Mais les lents mouvements qu'elle produisait finit par la rendre visible, jusqu'à ce qu'un visage leur apparaisse plus ou moins clairement.


Tous deux se décrispèrent progressivement, plissant les yeux pour tenter d'apercevoir plus de détail de cet individu, assis, adossé à un arbre, les genoux recroquevillés contre lui même. Encapuchonné - sûrement pour se protéger de la pluie - il se trouvait devant un tas de braises trempées par l'averse. L'ombre produit par la luminosité de la lune accentuait ses joues émaciée, sûrement creusée par la déshydratation. Son seul œil visible était lourd, épuisé, illustrant une certaine détresse. Et pourtant, sa posture était robuste. Résolue. Comme s'il avait accepté ce triste sort. Comme s'il l'avait mérité.. Des remords ? C'était ça qui se dégageait de sa posture ? Quoi que ce soit, ce n'était visible par les deux hommes, aveuglés et corrompus par la peur. Alors même que l'intrus n'avait bougé le moindre muscle, l'aîné Tsukurijin arma son sabre à revers de garde devant lui, s'exprimant volontairement fort, d'une voix qui se voulait menaçante.

▬ Nous sommes envoyés officiellement par le clan Tsukuri et sommes à la recherche d'un criminel responsables de plusieurs attaques récentes dans les environs.. Décline ton identité immédiatement, ou tu seras considéré comme un coupable potentiel !

Il ne broncha pas. Pas le moindre muscle. Il ne se sentait pas menacé. Il se contenta de les regarder, l’œil vide. L'ombre de ses bras posés sur ses genoux relevés qui étaient visibles sous sa cape s'agita, comme s'il resserrait son étreinte sur lui-même, pris de tremblements. Son visage s'abaissa, et se crispa dans une triste expression amené par un sentiment qui lui semblait presque douloureux. Mais.. Il ne répondit pas. Et on lui avait expressément ordonné de répondre. Au lieu de ça, il les avait ignorer pour se laisser aller à ses états d'âme. Ce qui n'avait, évidemment, pas plu à l'aîné Tsukurijin. Malgré la main de son Kouhai qui se posa chaleureusement sur son épaule pour tenter de calmer sa belligérance, mais rien n'y faisait. Il ne pouvait pas laisser échapper un coupable potentiel. Serrant alors son sabre, il s'élança dans sa direction, en lui assénant un vif - mais puissant - coup en ciblant son bras, afin de l'immobiliser sans que le coup soit létal, afin d'obtenir des réponses après coup.

Par instinct, alors qu'il avait la tête toujours baissée jusque là, l'intrus leva brusquement la tête. Il n'eut pas le temps de réagir, tout alla si vite ! Et le sabre s'entrechoqua avec le bras du bougre, produisant un puissant cliquetis métallique aiguë qui brisa la lame du soldat sous le choc ! La cape de la cible désormais déchirée, on pouvait apercevoir son bras, intact, recouvert d'une épaisse couche noire qui s'estompait à partir de la démarcation de son épaule.

▬ Qu'est-ce que.. ?! s'écria le Tsukurijin en reculant de quelques pas, tremblant d'incompréhension.

Le visage de l'intrus se tordit d'effroi, des larmes perlèrent ses paupières, comme sous le choc de l'acte commis par le soldat. Non.. C'était autre chose. Il regarda l'intérieur de sa main, tremblante, qui se faisait à son tour recouvrir par cette trace noire qui le consumait. Son corps entier se crispa, pris de spasmes violents, et il plongea rapidement son visage au creux de ses mains en les passants avec force sur sa tête dans un rythme presque aliéné.

▬ Fuyez.. Elle.. ghuh.. Elle arrive.. gémissait l'individu pour la première fois en grimaçant de douleur, entre autres murmures inaudibles.

Les deux hommes partagèrent un regard mêlant crainte et incompréhension, face aux mouvements frénétiques répétés de l'homme qui se trouvait en face de lui. Il semblait profondément terrorisé par.. "Elle" ? Mais de quoi pouvait-il bien parler ? Le plus jeune réitéra son geste, et posa sa main plus fermement sur l'épaule de son Senpai murmurant à demi-mot pour pas que cet homme l'entende.

▬ Écoute, on devrait vraiment se casser d'ici et attendre du renfort, ce type est dangereux, c'est sûrement..

▬ Du chakra. Conclut l'aîné en regardant l'homme des bois se tordre dans tous les sens en plissant les yeux.

Il détacha sa main d'un mouvement d'épaule, obnubilé, intrigué par le spectacle étrange qui se profilait sous ses yeux. Il n'avait jamais vu d'autre affin que leur maître.. Était-ce le chakra qui le rendait fou ? Pouvait-il lui aussi manipuler les flammes ? Une infinité de question titillait une curiosité malsaine. Il s'approcha de quelques pas discret. Trois suffirent pour que l'intrus ne s'arrête brusquement en sentant son assaillant se rapprocher. Plus un mouvement. Le visage invisible derrière ses mains. Un puissant râle respiratoire, voilà tout ce qu'on pouvait entendre.



Puis des gémissements. De profonds gémissements. Les deux hommes froncèrent les sourcils. Non.. Ce n'était pas des gémissements.. C'était plutôt comme un.. Un rire. Un rire qui s'intensifiait petit à petit, amené par une voix bien plus aiguë que celle qu'il avait montré jusque là. Un rire malsain, puissant qui transpirait la folie et secouait l'humanité des deux hommes, qui se mirent cette fois-ci à reculer pour de bon. Le visage du cadet était complètement déformé par la peur. Il fallait absolument qu'ils partent d'ici. Mais.. Le rire s'arrêta. Et, ouvrant ses mains, c'est cette fois-ci un sourire carnassier qui brillait à la lumière de la lune. Et il n'avait rien d'humain.



▬ Vous auriez dû l'écouteeeeeer. Dit-il, de la même voix stridente, sur un ton mélodieusement macabre.

Il se releva lentement, menton vers le sol, bras ballants, en avançant lentement vers eux d'un pas saccadé sans que son sourire ne s'efface ; et ce n'est qu'à ce moment qu'ils comprirent à quel point le bougre était immense. Le cadet tomba à la renverse, tentant de s'échapper à tâtons mais son corps ne répondait plus. La présence animal qui se dégageait soudainement  de cet homme qui paraissait pourtant au bord de l'épuisement il y a quelques minutes faisait trembler l’entièreté de son être. L'ainé, ayant un peu plus d'expérience, s'interposa machinalement entre le monstre et son Kouhai, tremblant lui aussi. Porté par une volonté de sauver son partenaire, persuadé que la fuite ne les sortirait pas de cette situation - et à juste titre - il s'élança vers son adversaire, dans un puissant cri de désespoir, et lui porta un coup à l'aide de son sabre à la lame brisée. Malheureusement bien trop ample, bien trop brouillon.

Avant que le mouvement ne s'abatte, la bête se plia sur elle même en abaissant la partie supérieure de son corps vers l'avant, face au ras du sol, puis la détendit d'un coup, produisant assez d'inertie pour envoyer sa jambe fouetter l'air dans un mouvement circulaire. Son pieds frappa la main armée de l'homme en projetant son sabre, et lorsque son pieds toucha le sol, pour terminer sa rotation, il se saisit de la gorge du soldat en le soulevant du sol avec une facilité déconcertante. Il serrait sa gorge avec une telle force, que l'on entendait quelques uns de ses os crissé sous la pression. Les yeux écarquillés, la tête légèrement penchée sur le côté, son sourire toujours plus étiré, le monstre se délectait pleinement de voir sa cible suffoquer sous sa poigne et tenter d'y échapper en frappant son avant-bras - en vain. Il jetait de temps à autre un œil, tout aussi malsain, à l'autre soldat, paralysé.

▬ Je me demande biiiiiiien lequel de vous à meilleur goût, dit-il toujours sur le même ton chantant.

▬ Arrête.. Je t'en supplie.. s'écria le plus jeune d'une voix tremblante.. ARRÊÊÊÊÊÊTE !

Un nouveau rire. Il se réjouissait de leur désespoir. Il n'y avait plus rien à faire.. Là où la curiosité et la belligérance a supplanté la prudence. C'était une ultime leçon pour ces jeunes soldats. Malheureusement, une leçon qui allait leur coûter la vie. Le bras libre de la bête se leva, tendant sa main à plat vers lui, prêt à l'enfoncer dans la mâchoire. Sa langue passa lentement sur ses lèvres. Il arma son coup et l'env..





Quoi ?! D'où ?! Une voix résonna au sud de leur position, avant qu'une vive lumière ne se dirige vers eux, se faufilant rapidement entre les arbres. Elle venait de larges boules de feu, dont la forme rappelait des têtes de dragons, vinrent frapper une à une la bête qui finit par lâcher prise, en étant envoyé valdinguer sur plusieurs mètres et finit par s'écraser contre un arbre.


Libéré de son entreave, l'aîné tomba à genoux, toussant lourdement en essayant de chercher son souffle, le cadet quant à lui se secouait la tête. Qu'est-ce qui venait de se passer, qu'est-ce que c'était que ça ?! Mais bientôt, des pas lourds, assuré, dans son dos, lui assura une réponse à ses questionnements. Un sourire se dessina maladroitement sur ses lèvres, il ne pouvait pas retenir ses larmes, rassuré. Ils étaient sauvés.

▬ Ryūsuke-sensei !


▬ J'me disais qu'vous en mettiez du temps pour vous débarrasser d'un simple bestiau, s'écria le nouvel arrivant, Kouha du clan Tsukuri, sur un ton amusé, le regard sur l'homme qu'il venait d'attaquer.

Le monstre se releva dans un craquèlement graveleux, la cape complètement brûlée, la peau rougie par les flammes.. Pourtant, il riait encore. Bien moins menaçant que le précédent, plus.. Excité. Comme s'il se réjouissait de s'être pris cette attaque de plein fouet. Les bras ballants entre ses jambes, légèrement penché vers l'avant, il observait le nouvel arrivant avec un sourire qui pouvait potentiellement déchirer ses lèvres.

▬ T'es biiiien plus intéressant que ces rats ! hurla-t-il avec enthousiasme.

Le visage du Kouha se ferma lorsqu'il l'entendit médire sur ses élèves. Le cadet bégaya, tentant de reprendre ses esprits.

▬ Il. Il était p.. pas comme ça quand on l'a rencontré Sensei, Hiro l'a attaqué, et.. Cette trace noire.. Et il est devenu fou d'un coup, il s'est mis à..

▬ Économise tes forces Toki, trancha-t-il avant de reprendre, s'il est devenu fou, on va simplement essayer de le ramener à la raison.

Il sourit et dégaina son sabre, avançant fièrement vers la bête.

▬ Il est rare de trouver un affin en dehors de la cité.. Bientôt, des troupes entières, avec des objectifs tous différents les uns des autres chercheront à mettre la main sur toi lorsqu'ils apprendront ton existence, pour tenter de te transformer en arme, ou encore faire je ne sais quelles expériences sur toi. Mais t'as de la chance d'être tombé sur moi.. Il se mit en position, écartant lentement sa jambe arrière dans un bruissement de feuille et arma son sabre. Moi j'vais juste t'mettre la branlée d'ta vie pour te remettre les idées en place.

Le monstre ne répondit que par un rugissement psychotique, avant de se ruer sur sa nouvelle cible, l’œil écarquillé, les bras en arrière et le buste au ras du sol. Le Kouha ne bougea pas d'un muscle, attendant simplement le premier assaut. Qui arriva plus vite que prévu. Puis un second, puis un troisième, sans qu'il ne s'arrête, se déchaînant littéralement sur sa cible.. Qui esquivait le moindre de ses coups avec une souplesse hors du commun. Comme si son corps se pliait comme une feuille au gré du vent. Son sabre glissait sur certains coups - trop rapides pour êtres esquivés simplement - et faisait crisser sa lame sur la peau durcie de son opposant. Ryūsuke porta un coup vif, puissant, pendant une ouverture faisant reculer le monstre. Qui porta un nouvel assaut.

Mais cette-fois ci, le Kouha chargea à son tour. Lorsque son adversaire porta son coup, il s'élança et glissa sur ses genoux pour passer au dessous de celui-ci et passer sur ses flancs. Sa main gauche se saisit de sa cheville et la leva dans son mouvement pour le déséquilibrer. C'est là que sa main droite se posa fermement sur le sol pour élever la partie inférieure de son corps. Alors pliée, sa jambe gauche se détendit d'un coup, en poussant sur sa main d'appuie, pour venir encastrer son talon dans la mâchoire de la bête dans un mouvement ascendant, le faisant s'élever dans les airs sous sa force. Ryūsuke ne perdit pas une seule seconde et se rétablit dans une vrille athlétique, avant de bondir à son tour, pour dépasser l'altitude de sa cible. Il planta lourdement la plante de ses deux pieds dans son estomac, le faisant chuter au sol en rebondissant dans un fracas osseux ; pendant que lui, s'élevait de nouveau grâce à sa prise d'appuis. Il arma son sabre au dessus de sa tête, alors que son adversaire, immobilisé à cause des dégâts, les bras écartés sur le sol, le regardait redescendre avec un large sourire satisfait.

Fendant l'air dans sa chute, il abattit son arme lourdement sur son adversaire, brisant le sol dans un épais nuage de fumée résultat de la puissance de l'impact, dont l'onde de choc fit vibrer l'ensemble de la végétation environnante. C'était fini. La bête avait été défaite. Elle s'était de nouveau endormie. Les tâches noires avaient disparues. Son faciès, immobile, était beaucoup plus apaisé, beaucoup plus serein.

▬ Wow.. D'un seul coup.. s'émerveilla le cadet, toujours sur les fesses, clignant des yeux.

Faisant regagner son fourreau à son sabre, le Kouha se dirigea vers ses disciples.

▬ Je m'excuse d'être arrivé aussi tard.. dit-il en tenant une main au cadet pour l'aider à se relever. Attachez-le, on le ramène au village.

▬ Quoi ?! Mais c'est de la folie, t'as bien vu ce monstre ?! Il a failli me tuer ! Comment tu peux penser une seule seconde ramenez ce fou au clan ?! s'indigna l'aîné.

Ryūsuke poussa un soupir, en jetant un œil par dessus son épaule, observant l'individu qu'il venait de battre, sommeillant profondément sa défaite.


▬ Je sais bien ça peut paraître fou.. Mais nous arrivons à un tournant majeur de notre histoire. Ce genre d'individus va bientôt peupler notre monde, et nous nous devons de nous préparer, nous aussi. Et puis, j'veux en savoir plus sur ce Gaijin.. Quelque chose me dit qu'il pourra accomplir de grande chose un jour, s'il arrive à dompter ce mal qui le ronge. Et quand bien même il n'y arrive pas, on le domptera nous même.. Toute bête peut être maintenue en laisse.

Le soldat eu un claquement de langue désapprobateur, mais ne pouvait pas aller à l'encontre de la volonté de son maître.



Et c'est ainsi que Gaijin naquit. Cet individu qui était perdu depuis des mois dans cette forêt dangereuse, sans aucun souvenirs de ce qu'il a été, ravagé par ses maux, s'était vu offert une rédemption. Une identité. Et un objectif : celui de défendre le clan Tsukuri. Lors de sa venue sur le territoire du clan, Ryūsuke omit volontairement de parler de ce qu'il s'était passé - faisant promettre à ses deux disciples d'en faire de même, malgré des moues agacées - et présenta officiellement Gaijin comme un affin qui s'était perdu dans les Bois Maudits. Malgré la réticence de bon nombres de Tsukurijin, l'influence du Kouha, qui s'en était porté garant, suffit à les convaincre de le voir rejoindre le rang de leur corps armé, non sans méfiance. Gaijin quant à lui, après des jours de convalescences, pris de remords et conscient que c'était une chance inouïe qui se présentait à lui, accepta humblement, posant le genou à terre face aux vénérables du clan pour témoigner de sa servitude.  

Dans les halls sombres de la noblesse clanique, l'on murmurait que Tsukuri Raytōko en personne s'était penché sur son cas atypique, conscient qu'il serait une pièce de choix à avoir sous la main pour les éléments à venir..