Perplexe, le jeune sous-noble ne cesse de se mirer dans son miroir.
Cette hideuse tache rutilante massacre ce faciès bénis par les Kami. Sa dextre se resserre sur elle-même. Un soupçon d’agacement naît. Il ne peut se permettre de pénétrer le théâtre de la demi-lune sous cet apparat.
Ainsi, il se doit de trouver un moyen de gommer cette imperfection, tout en apprenant comment celle-ci a pu apparaître.

L’ange descend parmi le commun des mortels. Seuls les rats de laboratoires, les Kodama, seront en mesure de trouver une réponse. Les compétences du Shinryo sont encore trop faible à ce sujet, les études sur le Chakra n’ont pas encore été rendue publique.

Voilà bien longtemps que ses pas gracieux n’avaient pas foulé le sol terreux d’Asatsuyu. Son regard se perd sur les nombreuses bâtisses du quartier des lumières. Son esprit vagabonde. Il se voit instaurer un nouveau régime dans ce lieu exempt de toute forme d’art. Depuis l’explosion démographique de la plèbe, le village n’a plus rien d’un complexe ergonomique.
Heureusement, la loge de perfection ne s’est point vue souillée par le flux des migrations.

La cour du Monolithe. L’endroit idéal pour trouver les puits de science ou les livres retraçant l’histoire de chaque civilisation. Des souvenirs reviennent hanter l’Ambitieux. Ses premiers découvertes.
Se raclant la gorge d’une manière excessive, le futur dauphin attire l’attention sur sa personne.

— Shinryo Yuugen, héritier de la dynastie Kenchikuka réclame votre savoir. Que le plus grand théoricien s’avance, venir en aide à un fils Tsukuri lui vaudra le salut éternel.

Son regard balaye l’horizon. De nombreux savants sont présents. L’arrogance se dévoile sur les traits du Yuugen.
Il est évident que ses propos ne sont que railleries manifeste.
Sa condition le rend supérieur, il compte bien le faire ressentir à tous. Bientôt, tous ploieront le genoux et la tête pour demander son adoubement. En attendant, des réponses se doivent de lui être apportées...

Son allocution trouve plusieurs réponses dans ces puits de savoir.
Ameyuri Tengen réussit en premier à attirer l’attention de l’Ambitieux. Il a coupé l’herbe sous le pieds de nombreux autres savants. Le terme ami est de trop, les dents de la pupille du village grincent les dents et fustige son compatriote d’un regard plus que réducteur.
Tout deux ne sont pas du même rang social, ni même égaux dans un autre domaine. Il possède l’ascendant sur ce dernier et compte bien lui faire comprendre. Malin comme un lynx, il sait pertinemment que les deux hommes ont un besoin réciproque. Yuugen pour comprendre cette apparition et Tengen pour avancer dans les recherches liées au Chakra.

— Surveille tes mots.

D’un simplement mouvement de main, il incite le scientifique à prendre les devants. Un simple soupir se libère de ses bronches. Quelques mètres parcourut suffirent pour mener ce nouveau binôme à l’écart d’une autre forme d’humanité. L’index du Shinryo se posa sur sa joue marquée.

— Explique toi.

Le regard ambré du sous-noble s’enfonce dans ceux de son concitoyen. Son aversion pour le Chakra et les maudits n’est pas cachée et ne le sera probablement jamais. Il espère n’avoir rien en commun avec ses aberrations de la nature.
Toutefois, au plus profond de lui, Yuugen connaît déjà la réponse. Les déités du destin ont décidé de l’éprouver. Une épreuve parmi tant d’autre. Il connaissait déjà la réponse, mais n’ayant pas encore la force de se confronter à cette horrible vérité, il cherchait l’espoir de garder sa petite vie tranquille.

— Est-ce... En lien avec le Chakra ? La marque est apparue il y a quelques jours maintenant.

Son poing se comprima.

Yuugen se retint de vociférer. Inutile. Tous plus inutiles les uns comme les autres. Même les Shosei des Kodama n’étaient pas en mesure de répondre à cette crise existentielle.
Qui peut bien lui venir en aide dans ce monde si petit. Les sommités scientifiques sont trop occupées pour s’attarder sur sa personne – quand bien même cette marque peut intéresser de par son individualité.
Tout ceci n’était qu’un songe tournant peu à peu en cauchemar. Il va se réveiller. C’est certains...

Voilà l’Ameyūri se rapproche un peu plus de lui. Son visage dissimule mal la curiosité inhérente à cette anomalie chakratique. Ses propos ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd ; un mouvement de recul est automatiquement initié. Hors de question qu’un rat s’approche d’une colombe.

— Hors de ma vue troubadour. Les manants n’ont point la permission de s’approcher du divin.

Dans d’autres circonstances, son poing se serai écrasé contre le faciès de Tengen.
Le Shinryo se ravisa bien vite quant à cette idée. Se mettre un dos l’une des pupilles vassale de la dynastie des Sekigaku ne se veut pas être une bonne idée. Il doit prendre son mal en patience. Enterrer son ego comme son honneur. Se contenir, même face à cette abomination absolue.
Le dialogue s’initie, Yuugen effectue un pas vers l’amère vérité.

— Fais ce que tu as à faire. Ne perds pas plus de temps.

Une osculation assez étrange, sous les yeux de tous qui plus est.
Qu’allait-il bien pouvoir lui apporter de toute manière. Tsssk. Notre ambitieux commence à se maudire, intérieurement. Après avoir été prit en raillerie par son clan en raison de son manque de noblesse, voilà maintenant que même le côté conservateur du village allai le rejeter.

Tant pis. Il vivra seul contre tous.
Ce n’est pas comme s’il n’y est pas déjà préparé depuis tout petit.

Pour la première fois, depuis son existence, Yuugen se sent étranger de son propre corps. Un schisme entre le corps et l’âme. Une scission entre l’humain et le maudit. Ses oreilles bourdonnent. Les acouphènes le submergent. Ses sens s’emmêlent entre eux.
Des fourmillements envahissent tout son corps. Son anxiété naturelle reprend le dessus. Il perd son souffle. Noyer sous le poids de conviction, son corps se ploie légèrement.  

Ses mains se cramponnent à ses genoux. Sa respiration revient lentement. Montrer une telle facette de sa personnalité, montrer sa faiblesse à un inconnu. Yuugen maudissait ses propres travers. Tengen ment. Il n’y a pas d’autre explication plausible.

— Tu mens. Tu mens. Tu MENS.

Les mains du nobles enserrent le col de l’apôtre. Sa poigne, solide, se fait ressentir. Les vociférations et autres maugréement du noble sont à peine perceptibles.
Le pire s’apprête à subvenir. La sénestre du Shinryo lâche le col, sa dextre reste cramponnée. D’un puissant et lourd coup ascendant, Yuugen fustige le chercheur de vérité de son poing armé.

— Cesse de faire le pitre, plébéien. La vérité. Ou tout ceci va mal tourner.

Les propos se transforment en cri. D’ici peu, les sommités affairées à l’étude de toute création existante débouleront. Le déni à son paroxysme. Pour un être comme lui, qui voue sa vie à l’oblitération du chakra et de ses variantes, être pourvue d’une telle aberration est un caprice du destin.
Ses jambes tremblement. Il perd appuis et s’effondre, accroupis. Ses mains passent sur son visage, tirant légèrement ses cheveux.

— Impossible. Impossible. Impossible...

Sa voix se fait plus roque. Il se bat contre ses propres pleurs. Son honneur ne peut défaillir de la sorte. Aucune larme ne perlera devant l’Ameyūri. Son visage se redresse. Ses yeux rutilants se posent sur l’incarnation de la vérité.

— Prouve. Moi. La. Vérité.

Il ne le croyait toujours pas. Même si, comme expliquer précédemment, il le savait au fond de lui. Une preuve. Absolue. Voilà ce dont il a besoin pour se laisser corrompre par cette idée viciée.
Sans ça, impossible que la vérité ne perce le cocon de mensonge dans lequel notre homme s’est enfermé. Triste vie pour celui qui se considère comme supérieur au homme.

Un maudit.
Son âme l’a maudit.
Tout ceci ne pouvait être vrai. Même face à la vérité, le mécréant se refuse d’accepter cette nouvelle voie.

— Prouve le moi.

Yuugen n’a que faire des gardes. Ces pages n’oseront jamais poser leurs mains sur lui.
Tengen accapare toute son attention. Ses mots sont comme des coups de couteaux. L’ire de l’héritier serait ainsi le comburant de son individualité. Malgré cette amère découverte, un sourire se laisse entrevoir sur son visage.
Les gardes finissent très vite par retourner à leurs occupations ; la situation s’étant apaisée aussi vite qu’elle ne s’était troublée.

— Si tu prétends que ce Chakra soit lié à ma colère, prouve le moi. Faites vos tests de scientifique sur moi.

Le noble se donne, bon gré mal gré, à la science.
Aussi loin que ses pensées remontaient, il n’avait jamais démontré des compétences martiales dépassant la norme ; d’où son style de combat. Manquant clairement de force physique, il ne partageait pas les talents des compétiteurs ou des autochtones.
Ce sentiment de différence et de médiocrité devint plus intense quand il repensa à ses derniers entraînements : un bon à rien incapable de suivre les prouesses des jeunes enfants affins au Chakra.

Une nouvelle flamme de désir s’éveille au fond de lui. Celui qui veut tout et son contraire, l’avarice personnifié, ne dira jamais non à une nouvelle source de pouvoir. Paradoxal, Shinryo Yuugen ne changeait pas.

— Si tu te trompes, tes recherches m’appartiendront.

Son poing se referma. Il avait ressenti cette étincelle de pouvoir infini – dépassant allègrement la condition humaine.
Un schisme sera né de cette interaction.
L’un des pans de notre antagoniste détestait ce pouvoir vicié et tout ce qui en découlait. Un autre, au contraire, voyait en cette nouvelle puissance un moyen de contrôler la plèbe. C’est un Yuugen tiraillé entre ses propres idéaux, ses propres valeurs, qui venait de germer.

— Ne perdons pas de temps... Et ne t’avise plus jamais de prononcer mon nom ou même te porter de garant de ma personne. Saltimbanque.