Il avait été testé et il avait échoué. Le neuvième cercle de l’enfer se brisa suite aux paroles du Tanaka. Il avait volontairement offert sa faiblesse aux érudits. Son instinct lui avait murmuré de ne pas lui faire confiance et il eut raison. Faire volt face, trahir ses propres promesses, ses propres paroles. Ce n’était pas un acte noble. Il ne méritait pas de recevoir l’alphabet. Shuzo allait le payer très cher. Le poing de l’hydrocéphale se referma sur lui-même.

Plus rien ne l’empêchait de mener à bien son assaut vengeur. Le verrou du cinquième cercle de l’enfer laissa place à cette force qui imbibait chaque tissus de son épiderme : la colère. Ces hommes, face à lui, n’étaient pas en mesure de se dresser sur son chemin ou de le confronter. Si en premier lieu il avait perdu contre le binôme dans le souterrain, son séjour en prison lui avait permit de méditer quant à ses actions.

Les élus tremblotaient. Se confronter à pareil géant n’étaient pas dans leur habitude. La bête sauvage chargea vers cet escadron. Lui n’était pas en proie à la peur. Non, il voulait faire couler le sang. Sa colère se focalisait de manière explicite sur le traitre. Saches que je suis toujours là et qu’à partir de maintenant, plus personne ne te fera de mal, je te le promets. Cette phrase se répétait. Comment pouvait-on mentir à ce point pour atteindre ses desseins ? Le septième cercle laissa libre cours à la violence du golgoth.

L’imposante épaule de la créature s’écrasa avec force contre la défense sommaire qu’incarnait le groupe d’élus. Ils avaient été pris de court.  Une brèche s’offrit et l’imposant siamois ne perdit pas de temps. Après s’être désaxé sur le côté gauche de la troupe suite à une série d’appuis, il arma son coude vers l’arrière. Rapidement, son poing difforme chercha à cueillir le corps du Tanaka. Il ne visait que lui. Il voulait le faire souffrir, lui arracher des cris et des larmes. Le marquer à jamais. Nul ne méritait d’être abandonné. Encore moins Ritsuan.

« Plus jamais ! Plus jamais... » Hurla-t-il.

L’adulte-enfant laissa parler sa haine. Aucun regret, aucun remord. Il n’aurait accepté aucune reddition de toute manière. Le mal avait été fait. Si auparavant il aurait été possible de revenir en arrière et de calmer la bête sauvage, il était désormais trop tard. Le géant haletait. Sa rage, à l’image des abysses, ne trouvait pas de fond. Ses membres congestionnés et protégés derrière une barrière de fibre naturelle ne possédaient qu’un but : faire payer le monde. Shuzo venait d’éveiller un nouveau Fléau.

« Vous payerez ! Vous payerez tous... »

L’assaut avait écrasé les forces en présence. Toute situation ne pouvait se résoudre dans la violence. Tanaka Shuzo l’apprit à ses dépends : nul ne doit ruser quand il s’agit d’être diplomate – à moins d’exceller dans la malice. Telle une poupée de chiffon, le corps du traître vola sur plusieurs mètres suite au coup encaissé. L’hydrocéphale débutait tout juste son jeu. Il comptait bien marquer sa chair à tout jamais, tout comme deux élus le furent jadis. Un fardeau partagé.

« Nul, nul, nul. Ritsuan vous écrasera tous. Les méchants hommes. Ils reviendront. »

Voguant entre conscience et inconscience, le traitre lâcha sa tirade. Du point de vue de cet ogre, le manipulateur venait d’avouer sa défaite. Du point de vue de l’enfant, il ne méritait pas ça. Malheureusement, pour le faible homme, l’ogre dictait ses propres règles. Une larme perla depuis l’œil du siamois. Son bras s’écrasa une fois de plus contre l’élu. Un coup en marteau, tout aussi puissant et rapide que le précédant. Le bras embourbé par un amas disparate de poils noya le corps du futur recteur. La douleur emplit toutes les couches de sa peau, allant de son épiderme jusqu’à son hypoderme.

« Mort. Meurt, meurt, meurt ! »

Les portes de la mort s’ouvrirent. Elles attendaient le soubresaut du bourreau. Shuzo portait enfin les stigmates d’une histoire qu’il avait hérité de force – tout comme cet adulte-enfant. Ryoma et la forêt furent mentionnés. Ces mots se répétèrent dans la psyché du géant. Une lutte mentale prenait place. Il secoua sa tête. Sa besogne l’attendait. Son poing s’éleva une énième et dernière fois au dessus du corps léthargique. Avant de s’écraser une ultime fois, ses forces le quittaient. Il en avait trop fait, ôter la vie de cet éphémère pouvait risquer la sienne. En extrapolant énormément, la barrière qui lui permit de ne pas s’acharner sur ce corps sans défense fut l’évocation du vieillard. Une conjecture parmi tant d’autres.

Un bruyant souffle quitta les bronches de l’animal sauvage.

Le golgoth fit volte-face, son poing ne s’écrasera pas contre lui. Il vivra quelques temps de plus, de sorte à accomplir sa destinée. L’hydrocéphale se mit en marche. Les pas se transformèrent en foulée : il chargea le mur opposé à sa position. Son corps heurta de plein fouet la paroi faite de pierre. La structure ne sût le garder enfermer plus longtemps. Une brèche s’ouvrît à l’étage inférieur de l’Atelier. En concordance avec l’information qu’il venait de recevoir Ritsuan s’enfuit vers l’est : les Bois maudits. Derrière lui, il ne laissa qu’un élu très grièvement blessé, mais encore vie et la perte d’un savoir utile pour tout un peuple.